Pourquoi les coureurs d’ultra de plus de 65 ans abandonnent presque tous (et comment changer ça)

Dans le monde de l’ultra marathon ou de l’ultra trail, on se demande souvent pourquoi les coureurs de plus de 65 ans, pourtant nombreux à s’inscrire, sont si peu à franchir la ligne d’arrivée ? La réponse, ou plutôt les réponses, se trouvent à la croisée des données brutes, de l’expérience de terrain et d’un refus croissant de se plier aux idées reçues sur l’âge.

Ken Ward, un vétéran du trail américain avec 10 Western States à son actif, a décidé d’enquêter sérieusement. Ce n’est pas un influenceur sans diplôme qui recycle des clichés sur la résilience. Il est docteur en chimie analytique, spécialiste des modèles prédictifs, et pratique le trail depuis 1999. Ses analyses sur le vieillissement en course d’ultra remettent en question l’entraînement et la stratégie de course pour les coureurs de plus de 60 ans.

Effondrement des taux de finishers après 65 ans

En se penchant sur les résultats de la Western States Endurance Run (WSER), l’une des courses les plus sélectives au monde, Ward a identifié une chute brutale des taux de réussite après 65 ans. Entre 60 et 64 ans, 2/3 des coureurs passent la ligne d’arrivée. Après 65 ans, ils ne sont plus qu’un sur quatre. Et à partir de 70 ans, le taux tombe à… 7 %. En plus de 40 ans d’histoire, seuls 4 coureurs de plus de 70 ans ont fini cette course.

Ce constat n’est pas une fatalité. Ward a voulu comprendre pourquoi, à partir d’un certain âge, l’abandon devenait presque une norme. Et surtout, comment y remédier.

Ce n’est pas qu’une question de « vieux qui ralentissent »

Première claque pour les amateurs de conclusions faciles : le problème n’est pas simplement que les seniors vont moins vite. En fait, Ward a passé au crible 35 variables différentes pour prédire la réussite ou l’échec sur ce genre de course. Parmi elles, 4 se détachent très nettement : le classement UltraSignup sur les trois dernières années, la distance de la course qualificative (mieux vaut avoir terminé un 100 miles qu’un 100 km), la performance sur cette course, et l’âge le jour J. Ces critères permettent de prédire le résultat final avec une précision de 90 %.

2 autres points bousculent les idées reçues. D’abord, un abandon passé (DNF) n’augmente pas le risque d’échec futur. Les abandons ne sont donc pas des cicatrices indélébiles. Ensuite, avoir déjà couru la WSER ne garantit rien. Ce n’est pas l’expérience qui sauve, mais la forme et la stratégie du jour.

La clé est dans les 50 premiers kilomètres

Parmi les observations les plus fines de Ward, il y a celle-ci : la façon dont un coureur atteint Robinson Flat, au 30e mile (48,7 km), est un excellent indicateur de réussite ou d’échec. Si un coureur arrive là-bas trop lentement, il est quasi certain qu’il ne terminera pas. L’idée reçue selon laquelle il faudrait “gérer” les premiers kilomètres quand on vieillit vole en éclats. Ce qu’il faut, c’est arriver à cette étape dans un bon rythme. Sinon, le retard s’accumule, la récupération devient trop difficile, et la course s’arrête avant la fin.

Alimentation et entraînement : les vieux ne peuvent plus improviser

Autre variable déterminante : la nutrition. Les coureurs plus âgés ont un besoin impératif d’adopter une stratégie alimentaire rigoureuse. Ward recommande d’augmenter l’apport en glucides à 60 à 90 grammes par heure, dès le début de la course, et de s’entraîner à ce protocole pour habituer le système digestif. Autrement dit, ce n’est pas le jour J qu’on “tente un gel en plus”.

L’erreur classique des vétérans, c’est de se focaliser sur le volume d’entraînement au détriment de la qualité. Multiplier les heures ne suffit plus. Pour préserver les qualités de vitesse indispensables au succès, il faut intégrer des séances de seuil, des intervalles, des strides. Oui, même à 65 ans. Maintenir une bonne vitesse de pointe est aussi vital que l’endurance.

Ceci est d’ailleurs en plein accord avec le fait que le renforcement musculaire, la musculation sont essentiels à pratiquer pour bien vieillir et ne pas baisser en performance ! Et d’ailleurs, si vous n’avez jamais fait de musculation, c’est à partir de 55 ans qu’il faut vous mettre aux pompes, aux tractions ou vous inscrire dans une salle SANS céder à la lenteur ou au « planplan » –> Envoyez du bois, envoyez du lourd !

Chaleur, matériel, récupération : les seniors doivent adopter les nouvelles règles

Autre point rarement mis en avant : l’adaptation à la chaleur. Elle joue un rôle crucial dans les courses longues, surtout en montagne ou en été. Et contrairement à ce qu’on croit, les coureurs âgés peuvent s’y adapter, à condition de s’y préparer toute l’année. L’exposition occasionnelle ne suffit pas. L’entraînement en environnement chaud, planifié, améliore les performances, même passé 60 ans.

Enfin, il faut cesser de snober les innovations. Les chaussures à plaque carbone, les systèmes de nutrition optimisée, les outils de monitoring : tout ce qui peut améliorer la performance et le confort mérite d’être testé. Rester bloqué sur les méthodes des années 90, par habitude ou nostalgie, revient à se tirer une balle dans le pied.

Adapter les règles des courses : une nécessité, pas une faveur

Au-delà de la physiologie, Ward plaide pour une refonte des règles dans les grandes courses d’ultra. Il propose plusieurs ajustements concrets pour améliorer les chances des coureurs âgés : allonger les barrières horaires en fonction de l’âge et du sexe, autoriser un départ anticipé comme c’est déjà envisagé à l’UTMB, permettre aux plus de 60 ans de prendre un pacer plus tôt (actuellement interdit avant Foresthill, autour du 100e km), et accepter l’usage de bâtons.

Aucune de ces mesures ne vise à créer un “ultra du troisième âge”. Il s’agit simplement de rééquilibrer un système qui, aujourd’hui, exclut de fait les plus âgés, alors même que leur motivation, leur expérience et leur engagement sont souvent bien supérieurs à ceux des plus jeunes.

Ne pas abandonner parce qu’on ralentit

Le message de Ward est limpide : vieillir n’est pas une raison d’arrêter. Ralentir ne signifie pas renoncer. Avec des ajustements intelligents et une préparation sérieuse, les coureurs de 65 ou 70 ans peuvent continuer à terminer des ultras exigeants. Pas besoin de miracle ni de génétique hors norme. Juste une approche cohérente, lucide, et un peu plus scientifique.

Et comme le résume Ed Wilson, coureur de 71 ans : « Être sur la ligne de départ en juin, avec six autres vétérans, ce sera un honneur. Je ne sais pas si je le mérite, mais j’espère faire honneur à ceux qui m’ont aidé à en arriver là. »

A part les conclusions intéressantes de Ward, on peut aussi penser qu’un coureur âgé, qui a déjà pas mal pratiqué l’ultra a une certaine lassitude. Par exemple, au bout de 4 ou 5 UTMB, avez-vous envie de recommencer, de vous ré-entrainer avec la même routine alors que vous avez déjà terminé ? N’est-ce pas aussi le moment de tenter un nouveau sport (par exemple le triathlon ou un aquatlon) pour qu’un vent de fraicheur MENTAL vous porte ? Il y a une certaine forme de sagesse à « abandonner » l’ultra comme pratique car après tout, c’est quand même, sous certains aspects, très .. chiant non ?

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